Enquête sur la réunion à huis clos tenue par la Ville d’Oshawa le 17 décembre 2015
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Juillet 2016
Plainte
1 Notre Bureau a reçu quatre plaintes à propos d’une réunion tenue par le Conseil de la Ville d’Oshawa le 17 décembre 2015. Chacun des plaignants a allégué que la réunion du Conseil avec Oshawa Power and Utilities Corporation ce jour-là ne relevait pas de l’exception des réunions à huis clos énoncée dans la Loi de 2001 sur les municipalités pour les séances « d’éducation et de formation ».
Compétence de l’Ombudsman
2 En vertu de la Loi sur les municipalités, toutes les réunions d'un conseil municipal, d'un conseil local, et des comités d'un conseil doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites.
3 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité s'est dûment retirée à huis clos. Les municipalités peuvent désigner leur propre enquêteur ou recourir aux services de l'Ombudsman de l'Ontario. La Loi fait de l'Ombudsman l'enquêteur par défaut dans les municipalités qui n'ont pas désigné leur propre enquêteur.
4 L'Ombudsman est chargé d'enquêter sur les réunions à huis clos dans la Ville d’Oshawa.
5 Lorsque nous enquêtons sur les plaintes à propos de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et le Règlement municipal de procédure ont été respectées.
Processus d’enquête
6 Le 18 janvier 2016, nous avons avisé le Conseil de la Ville d’Oshawa que nous avions l’intention d’enquêter sur ces plaintes.
7 Des membres de l’Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET) ont examiné le Règlement de procédure de la Ville et les extraits pertinents de la Loi, ainsi que l’avis et le procès-verbal de la réunion. Ils ont écouté l’enregistrement sonore de la réunion et ont étudié une présentation PowerPoint faite au Conseil. Ils ont également interviewé la greffière et le maire.
8 Nous avons obtenu une pleine collaboration dans ce dossier.
Procédure du Conseil
9 Le paragraphe 10 (1.3) du Règlement de procédure de la Ville[1] stipule que la Ville doit communiquer un avis des séances d’éducation et des réunions extraordinaires en l’affichant sur son site Web une fois que l’ordre du jour a été communiqué aux membres du Conseil. L’ordre du jour doit être communiqué aux membres du Conseil au moins 24 heures avant le début de toute réunion (paragraphe 10 (1)). Le Règlement comprend des dispositions spéciales pour les avis à communiquer quand le Conseil se penche ou prend des décisions sur toute question qui exige des dépenses en immobilisations supérieures à 500 000 $ (paragraphe 10 (1.1)).
10 Le paragraphe 3A (1) du Règlement stipule expressément que ses règles de procédure ne s’appliquent pas à une « séance d’éducation » relevant de la définition donnée dans le Règlement. Aux termes de celui-ci, une « séance d’éducation » est ainsi définie :
présence des membres du Conseil en un temps et en un lieu donnés dans le but d’obtenir des renseignements au regard desquels :
a) aucune affaire du Conseil ou de la Société n’est traitée, aucun vote, décision, règlement ou résolution n’est pris ou adopté, aucune recommandation n’est présentée en vue de mesures d’action par le Conseil ou tout comité, et aucune mesure d’action n’est prise dans le processus ou dans la quête de décision par le Conseil ou un comité sur toute question particulière relevant des affaires du Conseil ou du comité;
b) la séance d’éducation n’est pas reportée à une autre réunion, ou n’est pas le report d’une autre réunion du Conseil ou d’un comité. (alinéas 3A (2) (a-b))
11 Alors que la définition d’une « séance d’éducation » donnée par le Règlement est générale, le paragraphe 11A (1) stipule que toutes les réunions doivent se tenir en public, sous réserve des exceptions prescrites. Généralement, le Règlement reproduit les exceptions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi sur les municipalités. Cependant, il n’a pas été actualisé pour stipuler que les discussions portant sur des enquêtes effectuées par un ombudsman ou des enquêtes sur des réunions à huis clos qui sont en cours doivent se tenir à huis clos, conformément à l’alinéa 239 (3) b) de la Loi. De plus, il omet d’inclure une exception obligatoire sur les réunions à huis clos dans les cas où le Conseil examine des demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée. La Ville d’Oshawa devrait modifier son Règlement de procédure pour refléter de manière pertinente les exceptions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi sur les municipalités.
12 Enfin, le paragraphe 11A (2) du Règlement stipule qu’avant de se retirer à huis clos, le Conseil doit adopter une résolution indiquant i) le fait qu’il doit se réunir à huis clos et ii) la nature générale de la question à examiner.
OPUC, Veridian et Whitby Hydro
13 Oshawa Power and Utilities Corporation (OPUC) est la société de portefeuille de quatre filiales de distribution d’énergie, de services de télécommunication, de production d’électricité propre et de production d’énergie solaire. La Ville d’Oshawa est le seul actionnaire d’OPUC. En retour, OPUC détient les actions de chacune des filiales.
14 Veridian Corporation (Veridian) détient et gère Veridian Connections, filiale qui distribue de l’électricité, en produit et fournit des services d’énergie. Veridian est détenu en coparticipation par la Ville de Belleville, la Municipalité de Clarington, la Ville d’Ajax et la Ville de Pickering.
15 Whitby Hydro Energy Corporation (Whitby Hydro) est une société de portefeuille détenue en propriété exclusive par la Ville de Whitby. Elle comporte deux filiales – Whitby Hydro Electric Corporation et Whitby Hydro Energy Services. Whitby Hydro Electric Corporation fournit de l’électricité aux résidences et aux entreprises de la région de Whitby.
16 Le 28 avril 2016, Veridian, OPUC et Whitby Hydro ont annoncé que chacune des sociétés avait signé un protocole d’entente pour explorer les avantages potentiels et la faisabilité d’une fusion[2]. Les sociétés ont fait savoir que le but du protocole d’entente était d’entamer une « étape d’exploration » pour déterminer les avantages potentiels d’un regroupement.
Réunion du Conseil le 17 décembre 2015
17 Le 17 décembre 2015, à 9 h, le Conseil de la Ville d’Oshawa a tenu une réunion extraordinaire dans la salle du Conseil. Un avis de cette réunion a été communiqué conformément au Règlement de procédure de la Ville.
18 Avant de se retirer à huis clos, le maire a fait savoir que la réunion avait été convoquée pour que le Conseil puisse rencontrer en séance d’éducation et de formation OPUC, au sujet des tendances relatives aux sociétés de distribution locale en Ontario. L’avocat municipal d’Oshawa a donné la définition et les critères d’une séance d’éducation et de formation en vertu de la Loi sur les municipalités. Il a expliqué l’objectif de l’exception et il a avisé les conseillers qu’il y avait des « moyens concrets » de garantir le respect des critères de la Loi. Plus précisément, il a fait savoir qu’il ne devrait y avoir aucune discussion entre les conseillers lors de la réunion. Il a dit que la seule chose qui devrait se produire était la présentation faite par OPUC, des questions des conseillers aux présentateurs, et les réponses des présentateurs à ces questions.
19 Après cette explication, la conseillère Amy England a demandé si la formation pourrait avoir lieu en séance publique et elle a suggéré que la présentation aurait un intérêt éducatif pour le public. L’avocat municipal a déclaré que la décision de se retirer à huis clos était une question politique, mais qu’il était possible de tenir une séance à huis clos dans un but d’éducation et de formation. Il a souligné que le Conseil avait le devoir de décider de se retirer ou non à huis clos. En réponse, le maire a déclaré que le présentateur avait demandé que la présentation se fasse à huis clos.
20 La conseillère Amy England est restée insatisfaite de ces réponses et elle s’est opposée à la motion visant à se retirer à huis clos. Elle a aussi demandé un vote par appel nominal. En fin de compte, deux des neuf conseillers – la conseillère Amy England et le conseiller Dan Carter – ont voté pour ne pas se retirer à huis clos. Le conseiller John Neal s’est abstenu de voter et de participer à la séance à huis clos après avoir déclaré un conflit d’intérêts. Le conseiller Bob Chapman était absent de la réunion.
21 En fin de compte, le Conseil a pris la résolution suivante à 9 h 11 :
Conformément au paragraphe 239 (3.1) de la Loi de 2001 sur les municipalités, telle que modifiée, cette réunion se tiendra à huis clos pour une séance d’éducation et de formation présentée par Oshawa Power and Utilities Corporation au sujet des tendances actuelles relatives aux sociétés de distribution locale en Ontario.
22 L’avis de la réunion en décrivait la nature de la même manière.
Aperçu de la présentation – discussions sur la fusion
23 Une fois en séance à huis clos, le président du conseil d’administration d’OPUC a entamé la présentation. Il a expliqué que le conseil d’administration d’OPUC avait entrepris des discussions avec Veridian, une société d’électricité voisine. Il a dit que pour faciliter ces discussions, OPUC avait accepté de signer un accord de non-divulgation avait Veridian. Il a ajouté qu’il voulait que le Conseil comprenne les étapes envisagées par OPUC et les compromis à faire. Il a indiqué qu’une fois ce travail fait, OPUC donnerait des conseils et ferait des recommandations au Conseil, mais que ce n’était « pas pour aujourd’hui ».
24 Après cet aperçu, le président a présenté les principaux présentateurs de la séance – le président-directeur général alors en fonctions à OPUC et un associé de Grant Thornton LLP, importante société de comptabilité et de conseil. Chaque présentateur a suivi strictement une présentation PowerPoint préparée, que notre Bureau a examinée.
Raison de créer une société conjointe d’électricité
25 Le président-directeur général alors en fonctions à OPUC a tout d’abord déclaré que la présentation de ce jour-là montrerait les tendances générales de l’industrie, mais que les discussions se faisaient à huis clos, car OPUC avait des obligations de non-divulgation à l’égard de Veridian. Il a précisé qu’il commencerait par expliquer le but des discussions avec Veridian – visant la création d’une société conjointe d’électricité – en indiquant pourquoi elles avaient lieu actuellement. Il a ajouté qu’après cette partie de la présentation, l’associé de Grant Thornton expliquerait comment la société conjointe pourrait être structurée et quel pourrait être le résultat. Il a répété que rien dans la présentation de ce jour-là n’exigerait une décision du Conseil le même jour. L’objectif était simplement d’aider le Conseil à comprendre les « options » qu’il avait pour un actif (c.-à-d. OPUC) dans un contexte où l’industrie de l’énergie change très rapidement.
26 Durant cette introduction, un conseiller a demandé au président-directeur général de l’époque de couper court à ses remarques préliminaires, car il jugeait qu’elles n’avaient pas besoin d’être discutées à huis clos. En réponse, le maire a fait savoir que les renseignements présentés avaient pour but de mettre en contexte la partie suivante de la présentation.
27 Après cette interruption, le président-directeur général de l’époque a expliqué la série d’étapes qui avait amené OPUC aux discussions actuelles avec Veridian. Il a précisé qu’au début de 2015, la direction de Veridian et celle d’OPUC avaient entamé des discussions sur la viabilité d’une société conjointe d’électricité. Après de brèves discussions, les conseils d’administration des deux sociétés avaient créé un comité directeur mixte pour explorer davantage les possibilités de fusion. Le comité directeur avait décidé d’évaluer la viabilité de la fusion et avait retenu les services de Grant Thornton pour analyser le dossier de rentabilisation.
28 Dans une partie de la présentation intitulée « Pourquoi feriez-vous cela maintenant? », le président-directeur général de l’époque a présenté les divers facteurs externes qui faisaient de 2016 une période favorable pour regrouper des sociétés d’électricité. Alors que cette explication était donnée, un conseiller a interrompu la présentation en rappel au Règlement et a déclaré qu’à son avis, les propos du président-directeur général de l’époque pourraient influer sur les décisions du Conseil. Le conseiller a déclaré que cette séance d’éducation le mettait mal à l’aise, car ils discutaient de l’intégration possible d’OPUC dans une société conjointe. Le conseiller jugeait que les renseignements fournis faisaient avancer le processus décisionnel du Conseil de la Ville. Le maire a rejeté ce rappel au Règlement, soulignant que la réunion était une séance d’éducation et de formation.
29 Avant que la présentation ne puisse reprendre, un autre conseiller a fait un rappel similaire au Règlement et a demandé au présentateur de concentrer les renseignements généraux, pour que la séance à huis clos porte uniquement sur ce qui devait rester confidentiel. Après cette remarque, le maire a demandé à l’avocat municipal de donner une autre explication de ce que le Conseil « pouvait faire » durant cette réunion.
30 Après l’interruption, le président-directeur général de l’époque a repris la présentation qu’il avait préparée, en parlant d’autres facteurs qui rendaient le climat actuel de réglementation favorable à un regroupement des sociétés d’électricité. Ensuite, il a présenté 12 avantages qui résulteraient de la création d’une société conjointe, selon la direction d’OPUC et celle de Veridian.
Comment créer une société conjointe d’électricité
31 Après cette partie de la présentation, un associé de la société de comptabilité et de conseil Grant Thornton a donné au Conseil un aperçu de la manière de créer une société conjointe d’électricité. Dans la présentation PowerPoint, cette partie est intitulée « Comment feriez-vous ceci? »
32 Tout d’abord, l’associé a expliqué 11 principes fondamentaux que la direction de Veridian et celle d’OPUC considéraient comme essentiels pour la société conjointe. Ensuite, il a donné des renseignements sur la structure de propriété actuelle d’OPUC et de Veridian. Après avoir donné ces renseignements généraux, l’associé a indiqué la part approximative qui serait détenue par chaque municipalité dans une société conjointe. Il a précisé que si les parties s’entendaient pour la fusion, il faudrait procéder à un exercice d’évaluation pour déterminer les pourcentages précis de participation. Il a ajouté qu’aucune municipalité n’aurait le contrôle des voix dans la société fusionnée.
33 Ensuite, l’associé a présenté une proposition de structure de gouvernance d’entreprise pour la société conjointe ainsi que des options de monétisation pour vendre une partie de cette société. Il a discuté les avantages et les inconvénients présentés par différents types d’investisseurs (p. ex., des associés stratégiques par rapport à des associés financiers) et il a précisé que les actionnaires municipaux pourraient conserver leurs niveaux de dividendes actuels même s’ils décidaient de monétiser une partie de la société conjointe.
34 Après cette explication, l’associé a présenté un résumé financier de la proposition de société conjointe. Le président-directeur général d’OPUC est brièvement intervenu au début de cette partie de la présentation pour rappeler aux conseillers qu’OPUC avait conclu un accord de non-divulgation avec Veridian et que les données financières à venir faisaient partie de cet accord. De plus, il a déclaré que le simple fait que les deux sociétés tiennent des discussions faisait partie de l’accord de non-divulgation.
35 Après ce rappel, l’associé a présenté un résumé financier de la société conjointe d’électricité, comprenant des prévisions de revenus, d’endettement et de dividendes. Il a expliqué combien d’économies résulteraient de « synergies brutes » à la suite de la fusion, et comment ces économies seraient partagées entre la société d’électricité et les contribuables. Puis il a présenté un exemple de bilans financiers détaillés pour la société conjointe. Ces bilans financiers avaient pour but de montrer comment la fusion et les décisions connexes influeraient sur le rendement des investissements d’Oshawa. L’associé a déclaré qu’il comprenait bien que les actionnaires d’OPUC (c.-à-d. les conseillers, au nom de la Ville) avaient « des options à considérer » quant à savoir ce qu’ils pourraient faire de la société d’électricité.
36 Sur la diapositive suivante, l’associé a présenté un autre exemple de bilan financier fait à partir d’hypothèses légèrement différentes. Enfin, il a montré un tableau expliquant comment la fusion pourrait influer sur les rendements attendus des capitaux propres d’Oshawa.
Questions des conseillers
37 Après cette partie de la présentation, les conseillers ont pu poser des questions aux présentateurs. Certains d’entre eux ont demandé des renseignements généraux sur la réglementation provinciale des sociétés d’électricité, mais la majorité des questions avaient pour but d’obtenir une clarification supplémentaire sur la proposition de fusion entre Veridian et OPUC. L’enregistrement sonore de la réunion ne comporte aucune discussion ni aucun débat entre les conseillers durant la période de questions. Cependant, certaines des questions posées exprimaient l’opinion de certains conseillers. Ainsi, un conseiller a posé diverses questions détaillées, dont les suivantes :
-
Les nouveaux emplois résultant de la fusion seraient-ils privés ou publics?
-
Est-ce qu’il y aurait plus ou moins de possibilités d’emploi pour les habitants d’Oshawa?
-
Est-ce qu’il y avait eu des discussions avec la Ville de Whitby?
-
Pourquoi Oshawa voudrait-elle monétiser une partie de la société d’électricité?
-
Même s’il y a des discussions à propos d’un « partage de synergie » avec les contribuables à l’avenir, comment les conseillers pouvaient-ils être certains que ceci se concrétiserait? La technologie aurait-elle une influence sur les économies prévues pour les contribuables?
38 Un autre conseiller a posé des questions similaires, dont les suivantes :
-
Quelles initiatives la province a-t-elle proposées pour favoriser les fusions?
-
Pourquoi Oshawa devrait-elle fusionner avec Veridian en particulier?
-
Comment pouvons-nous [le Conseil] protéger les intérêts des contribuables?
-
Si « l’exercice se déroule complètement », OPUC devra-t-elle offrir cette possibilité de fusion à d’autres sociétés d’électricité?
39 Alors qu’il posait ces questions, le conseiller a aussi fait deux commentaires. Après avoir obtenu la réponse à une question, il a commencé à faire des commentaires sur les répercussions que peuvent avoir les fusions sur le public. Mais il a été interrompu, car cette déclaration n’était pas une question. Après la réponse à une autre question, il s’est dit inquiet de ce que les électeurs pourraient avoir à dire sur la façon de procéder qui était proposée. Une fois de plus, il a été interrompu, cette fois pour être hors du sujet.
40 Un troisième conseiller a posé de nombreuses questions, principalement pour obtenir confirmation de sa compréhension de diverses parties de la présentation. Ainsi, il a voulu savoir si, après la fusion, OPUC resterait dans le giron public, si les tarifs d’électricité resteraient les mêmes, si les niveaux de dividendes seraient maintenus pour Oshawa, et si le conseil d’administration de la société conjointe d’électricité inclurait des conseillers municipaux.
41 Durant ces questions, un conseiller a interrompu la discussion en rappel au Règlement, disant que le Conseil utilisait des expressions comme « si une décision devait être prise ». Il a dit qu’en réalité, le Conseil cherchait déjà à décider s’il devait prendre cette décision. Le maire a interrompu le conseiller, rejetant en fait le rappel au Règlement, et a déclaré que le Conseil était au beau milieu d’une séance d’éducation et de formation. Le conseiller a réitéré son objection et a quitté la réunion.
42 Après cette interruption, le conseiller qui s’était exprimé précédemment a posé d’autres questions sur la proposition de fusion. Il a aussi fait plusieurs commentaires qu’il a en cours de route reformulés sous forme de questions. Ainsi, il a demandé si l’option de monétisation pourrait être perçue à Oshawa comme une vente au secteur privé, à moins qu’une part très contrôlée et limitée d’OPUC ne soit vendue. Le conseiller a ajouté que ce point devrait être considéré à l’avenir. Il a aussi précisé que précédemment, le Conseil avait obtenu des examens indépendants avant de prendre certaines décisions. Il a indiqué que, si la fusion devait se faire, il serait utile pour le Conseil d’obtenir un examen indépendant. On lui a répondu que ce serait un moyen pertinent de procéder.
43 Le conseiller a conclu en disant qu’il y avait d’autres parties qui ne respectaient pas l’accord de non-divulgation. En réponse, le Conseil a été prié instamment de respecter cet accord et le maire a demandé à l’avocat municipal de donner une définition d’un accord de non-divulgation.
44 Après cette définition, d’autres conseillers ont posé quelques autres questions. La question finale a été la suivante : « Quel est le calendrier désormais – quelle est la prochaine étape? » En réponse, le conseiller a été informé qu’il n’était pas possible de répondre à la question et que ceci ne faisait pas partie de la réunion.
45 À 10 h 33, le Conseil a résolu de reprendre sa séance publique.
Retour en séance publique
46 Le Conseil a repris sa séance publique et a clos la réunion à 10 h 34. Bien que le procès-verbal de la réunion publique comprenne un résumé de la discussion à huis clos, il n’indique pas que le Conseil a présenté un rapport oral en séance publique, après la réunion à huis clos.
Analyse
« Éducation et formation » – Paragraphe 239 (3.1)
47 Le Conseil a invoqué l’exception de « l’éducation et la formation » au paragraphe 239 (3.1) pour obtenir des renseignements sur une possibilité de fusion d’OPUC et Veridian.
48 Le paragraphe 239 (3.1) de la Loi stipule qu’un conseil peut tenir une réunion à huis clos si cette réunion a pour but « l’éducation ou la formation » des membres et si aucun membre ne discute ou ne traite autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil.
49 Toute tentative d’invoquer cette exception doit faire l’objet d’un examen scrupuleux. Comme nous l’avons précisé dans un rapport de 2009 sur des réunions à huis clos dans la Ville d’Oshawa :
Le nombre de sujets pouvant se prêter à une séance d’éducation est infini, mais il doit être clair qu’une séance de ce genre a pour seul objectif l’éducation... Une municipalité ne peut pas tout simplement contourner la loi sur les réunions ouvertes au public en caractérisant « d’éducatif » un sujet qui devrait normalement être considéré en séance ouverte au public[3].
50 Les Local Authority Services (LAS) ont eux aussi interprété de manière stricte cette exception, déclarant qu’elle s’avère pertinente uniquement quand « le seul objectif est l’éducation ou la formation [et] aucune transaction ni aucune prise de décision n’a lieu durant la séance »[4]. Dans un rapport de 2015 sur des réunions à huis clos dans le Canton de Brock, les LAS ont de nouveau souligné la portée et l’objectif stricts de l’exception, déclarant que « l’objectif d’une telle séance de formation ou d’éducation n’est pas de discuter des affaires du Conseil, soit en termes d’affaires ou de décisions passées, soit en termes d’affaires ou de décisions potentielles futures »[5].
51 Dans un rapport de 2013 sur des réunions à huis clos dans le Canton de Madawaska Valley, les LAS ont conclu qu’une présentation, qui comprenait une partie « d’éducation », mais qui décrivait principalement les options précises qu’avait la Ville pour imposer des frais de développement, ne relevait pas de l’exception de l’éducation ou la formation[6]. La partie « d’éducation » autorisée à huis clos avait trait à l’objectif général et aux processus des frais de développement. En revanche, la majorité de la présentation ne relevait pas de l’exception de l’éducation et la formation, car elle avait pour but d’informer le Conseil des conclusions d’une étude spécialement commanditée par le Canton sur la question des frais de développement proposés.
52 De même, dans une enquête de notre Bureau en 2014 sur une réunion à huis clos dans la Ville de Moosonee, nous avons déterminé que la présentation d’un consultant ne justifiait pas le recours à l’exception de l’éducation ou la formation[7]. Dans ce cas, le Conseil de Moosonee s’était retiré à huis clos pour obtenir des renseignements auprès d’une conseillère des municipalités à propos de subventions particulières que recevrait la Ville, et des conditions connexes à ces subventions. Notre Bureau a conclu que les renseignements donnés n’étaient pas de nature générale, mais avaient trait à des questions qui avaient des répercussions directes sur les affaires de la municipalité. Après la présentation, le Conseil de Moosonee avait voté en public pour approuver les mesures d’action présentées par la conseillère des municipalités.
53 Durant la réunion extraordinaire du 17 décembre 2015, le Conseil s’est retiré à huis clos pour obtenir des renseignements à propos d’une proposition de fusion particulière entre OPUC et Veridian. Bien qu’une petite partie de la présentation ait porté sur les tendances générales du marché, la plus grande partie avait pour but d’informer le Conseil d’une ligne d’action particulière au sujet de laquelle il serait probablement appelé à voter par la suite. En tant que seul actionnaire d’OPUC, le Conseil de la Ville d’Oshawa doit donner son approbation avant le fusionnement d’OPUC avec d’autres sociétés. La présentation contenait des renseignements spécifiques sur la participation, la structure d’entreprise et la gouvernance de la société conjointe d’électricité qui étaient proposées, ainsi que des prévisions financières détaillées. Bien que certaines des questions posées par les conseillers aient visé les tendances générales du marché (p. ex., quelles initiatives la province a-t-elle prises pour favoriser les fusions?), beaucoup d’autres concernaient des renseignements sur la proposition de fusion (p. ex., les niveaux de dividendes seraient-ils maintenus après la fusion?). Un conseiller a même demandé « qu’est-ce qui se passe ensuite? » à la fin de la réunion.
54 Durant la séance « d’éducation et de formation » du 17 décembre 2015, des renseignements détaillés ont été donnés aux conseillers sur la proposition de fusion d’OPUC et Veridian et ils ont eu la possibilité de poser des questions à ce sujet. Bien que le Conseil n’ait pas débattu la proposition de fusion, ni pris de décision, les renseignements présentés et les questions posées ont fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du Conseil. Par conséquent, celui-ci n’était pas en droit de s’appuyer sur l’exception de « l’éducation et la formation » énoncée au paragraphe 239 (3.1).
55 D’après les discussions du Conseil et notre entrevue avec le maire, la raison principale qu’avait le Conseil de discuter de la proposition de fusion à huis clos était apparemment de respecter l’accord de non-divulgation conclu entre OPUC et Veridian. Certes, notre Bureau comprend le motif du Conseil, mais tel n’est pas le but de l’exception de « l’éducation et la formation », et il n’y a pas d’autres exceptions des réunions à huis clos qui puissent s’appliquer à ces circonstances. Notre Bureau a souligné précédemment que la Loi sur les municipalités ne comprend actuellement pas d’exception générale relativement aux réunions à huis clos qui permette à une municipalité de discuter en privé de négociations professionnelles ou commerciales délicates. Le ministère des Affaires municipales et du Logement effectue actuellement un examen des lois qui inclut une analyse de la Loi sur les municipalités. Il a cessé d’accepter les commentaires sur la Loi, mais la Ville d’Oshawa souhaitera peut-être soulever cette question si une nouvelle ébauche de loi est présentée.
Rapport
57 Après la séance à huis clos du 17 décembre 2015, le Conseil n’a pas fait de rapport en public sur ce qui avait été discuté de manière générale à huis clos. Toutefois, le procès-verbal de la réunion publique comprend un résumé écrit de la séance à huis clos.
58 De nombreux enquêteurs chargés des réunions à huis clos, dont notre Bureau, ont recommandé que les municipalités adoptent la pratique exemplaire de faire un rapport[8]. Dans un rapport de 2009 sur des réunions à huis clos dans le Comté d’Essex, les LAS ont recommandé que les conseils « fassent rapport… de manière générale, du déroulement de la séance à huis clos »[9]. De même, Douglas R. Wallace a souligné dans son enquête de 2009 sur des réunions à huis clos dans la Ville d’Ottawa que le Conseil devrait faire rapport, en séance publique, du fait qu’il s’est réuni à huis clos, des questions qu’il a examinées, et de l’absence de vote sinon pour donner des directives au personnel ou pour traiter de questions de procédure[10].
59 En omettant de faire un rapport en séance publique, le Conseil n’a pas donné aux membres du public qui auraient pu être présents alors une idée générale de ce qui avait été discuté à huis clos. Certes, la Ville a inclus des renseignements sur ses discussions à huis clos dans le procès-verbal de sa réunion publique, mais ceci n’équivaut pas à un partage direct d’information durant la séance publique d’une réunion. La Ville devrait adopter la pratique exemplaire de faire rapport, en séance publique, de la nature générale des discussions qui ont eu lieu à huis clos.
Opinion
60 Le Conseil de la Ville d’Oshawa a enfreint la Loi de 2001 sur les municipalités le 17 décembre 2015 quand il s’est retiré à huis clos pour obtenir des renseignements sur une proposition particulière de fusion entre OPUC et Veridian. En tant que seul actionnaire d’OPUC, le Conseil doit donner son approbation avant toute fusion entre OPUC et d’autres sociétés. Durant la séance à huis clos, les conseillers ont obtenu des renseignements détaillés sur la proposition de fusion d’OPUC avec Veridian et ils ont eu la possibilité de poser des questions à cet égard. Bien que le Conseil n’ait pas débattu la proposition de fusion, ni pris de décision, les renseignements présentés et les questions posées ont fait avancer de manière importante ses travaux et sa prise de décision.
61 La réunion ne relevait pas de l’exception de « l’éducation et la formation », ni d’aucune exception aux exigences des réunions publiques énoncée dans la Loi sur les municipalités.
Recommandations
62 Je fais les recommandations suivantes dans le but d’aider la Ville à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi et à renforcer la transparence de ses réunions.
Recommandation 1
Tous les membres du Conseil de la Ville d’Oshawa devraient s’acquitter avec vigilance de leurs obligations individuelles et collectives garantissant que le Conseil se conforme à ses responsabilités en vertu de la Loi de 2001 sur les municipalités et de son propre Règlement de procédure.
Recommandation 2
Le Conseil de la Ville d’Oshawa devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos à moins que celui-ci ne relève clairement de l’une des exceptions légales aux exigences des réunions publiques.
Recommandation 3
Le Conseil de la Ville d’Oshawa devrait veiller à ne discuter d’aucun sujet en séance à huis clos « d’éducation ou de formation » à moins qu’il soit clair que la séance a uniquement pour but l’éducation ou la formation, et que la présentation ou la discussion ne feront pas avancer de manière importante les travaux ou la prise de décision du Conseil.
Recommandation 4
Le Conseil de la Ville d’Oshawa devrait adopter la pratique exemplaire de faire rapport, en séance publique, après une réunion à huis clos.
Recommandation 5
Le Conseil de la Ville d’Oshawa devrait modifier son Règlement de procédure pour refléter exactement les exceptions des réunions à huis clos énoncées dans la Loi sur les municipalités.
Réponse du Conseil de la Ville d’Oshawa
63 Le Conseil de la Ville d’Oshawa a eu la possibilité d’examiner une version préliminaire de ce rapport. Il a envoyé des commentaires à notre Bureau dans une lettre datée du 8 juillet 2016. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de ce rapport final.
64 En plus de donner des commentaires sur diverses questions précises soulevées dans le rapport, le Conseil a maintenu que ses discussions étaient permises en vertu de l’exception de « l’éducation et la formation », car, à son avis, ses travaux ou sa prise de décision ne peuvent pas avancer de manière importante à moins qu’une résolution, une décision ou toute autre délibération ne soit consignée officiellement dans son procès-verbal. Le Conseil a aussi déclaré que d’autres conclusions d’enquêtes citées dans ce rapport ne s’appliquaient pas à ce cas, car il a maintenu que la séance d’éducation et de formation n’avait pas fait avancer ses travaux.
65 J’ai examiné la présentation du Conseil dans son ensemble et je ne suis pas persuadé de ce point. L’interprétation suggérée par le Conseil pour l’exception de l’éducation et de la formation voudrait dire qu’un conseil peut discuter de tout sujet durant une séance d’éducation et de formation, à condition qu’il reprenne une séance publique avant de voter sur la résolution connexe. De toute évidence, telle n’est pas l’intention du libellé clair et simple de la Loi, et cette interprétation ne concorde pas avec celle que notre Bureau et d’autres enquêteurs chargés des réunions à huis clos ont donnée et appliquée pour cette exception. Les dispositions des réunions publiques énoncées dans la Loi sur les municipalités sont de nature corrective et doivent être interprétées de manière à promouvoir la transparence. L’interprétation restrictive de l’exception de l’éducation et de la formation préconisée par le Conseil de la Ville d’Oshawa n’est pas conforme à cette approche.
Rapport
66 Mon rapport devrait être communiqué au Conseil de la Ville d’Oshawa et mis à la disposition du public dès que possible, au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil de la Ville.
___________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Ville d’Oshawa, Règlement 126-75, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletBeing a by-law to regulate the proceedings of Council (29 septembre 2015), en ligne.
[2] « Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletVeridian Corporation, Oshawa Power and Utilities Corporation and Whitby Hydro Energy Corporation to Explore Benefits of Consolidation », Veridian Corporation (28 avril 2016), en ligne.
[3] Ombudsman de l’Ontario, « ABC de l’éducation et de la formation » : Enquête sur la réunion à huis clos du Comité des Services de développement de la Ville d’Oshawa, le 22 mai 2008 (mars 2009), par. 29, en ligne.
[4] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Corporation of the County of Essex (septembre 2009) à 13, en ligne.
[5] Local Authority Services, Report to the Corporation of the Township of Brock (septembre 2015) à 6.
[6] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletReport to the Council of the Township of Madawaska Valley (juin 2013) à 15, en ligne.
[7] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario à la Ville de Moosonee (9 septembre 2014), en ligne.
[8] Ombudsman de l’Ontario, Enquête visant à déterminer si le Conseil de la Municipalité de Magnetawan a tenu des réunions à huis clos illégales (juin 2015) par. 54, en ligne.
[9] Local Authority Services, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletA Report to the corporation of the County of Essex (septembre 2009) à 17, en ligne.
[10] Douglas R Wallace, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport au Conseil municipal d’Ottawa, en ligne.